Jacques de VINTIMILLE pendant la guerre des Religions - Partie 1/2 (1561-1563)

Les suspicions à l'encontre de Jacques de VINTIMILLE (1561-1562)

Depuis quelques années, les dijonnais se laissaient séduire par le calvinisme. On y trouvait bon nombre de protestants si bien qu’au sein même du Parlement de Bourgogne, certains magistrats y étaient suspectés. En 1561, le jeune François II, Roi de France, leur demande même de signer une lettre patente « pour pourveoir et remedier ainsy quil est plus que requist et necessaires à plusieurs scandalles et schismes » afin de déclarer leur foi catholique[1]. De nombreux conseillers le font comme Maclou POPON, mais il semble n’y avoir de traces de la signature de Jacques de VINTIMILLE. Aveu ou rébellion politique ? En 1562, Gaspard de SAULX-TAVANNES (1509-1573) est nommé lieutenant‑général de Bourgogne sous les ordres du Duc d’AUMALE « avec pouvoir d’y lever et assembler des troupes, de composer une armée et de la commander contre les rebelles » de la religion réformée[2]. Le jeune Charles IX lui enverra plusieurs soldats[3]. Les protestants dijonnais souhaitaient prendre possession de la ville mais TAVANNES maintient l’ordre en punissant les rassemblements de nuit de la peine de mort, en bloquant l’accès au château, en désarmant les « rebelles ». Il chassera à cette occasion plus de 1200 à 1500 calvinistes de la ville dont des magistrats et des bourgeois[4]. Parmi ces nombreux bannis se trouve Jacques de VINTIMILLE qui « fréquentait quelques maisons suspectes »[5] et avait appuyé, à l’inverse de nombreux parlementaires bourguignons, l’Edit de Tolérance de janvier 1562[6] qui autorisait les huguenots à s’assembler dans des maisons privées et à célébrer leur culte. On peut également noter, dans son cercle d’amis, plusieurs personnes en faveur d’une pacification entre les religions : le chancelier Michel de l’HOSPITAL, fervent défenseur de la tolérance civile ; Maclou POPON qui aurait de l’inclination pour le calvinisme[7] et qui entretient une importante correspondance avec son ami Théodore de BEZE, porte-parole de la Réforme. 

L'expulsion de Jacques de VINTIMILLE (1562)

C’est ainsi que les maire et échevins de la ville de Dijon dirigèrent une enquête contre « l’hérétique » Jacques de VINTIMILLE[8] et lui interdirent l’accès aux portes de la ville[9]. Il se réfugiera très probablement à Lyon chez les VAUZELLES ou sur les terres de sa femme. Le Parlement de Bourgogne de son côté demande à cette époque de « faire faire à tous les conseillers de (sa) court la confession de leur religion (...) pour oster toutes suspicions que l’on pourroit doresnavant avoir sur le faict de ladite nouvelle religion ». De SAULX-TAVANNES priera les membres du Parlement fâchés après Jacques de VINTIMILLE, de le recevoir car « il désire fort se justiffier et (leur) faire apparoir de son innocence sur les infirmacions qui ont esté faictes contre luy »[10]

L'exil forcé de Jacques de VINTIMILLE (1562-1563)

Mais ses justifications ne suffiront pas à convaincre les parlementaires qui se souvenaient de ses tendances « tolérantes » et menacé de mort, il s’exilera pour quelques mois en Italie. Il rédigera pendant cette période son recueil « Théagès ou de la Sapience » et en profitera pour raconter cette peur de l’assassinat dans cet extrait d’une épigramme à Maclou POPON[11] :

A tous coups me semblait voir la poignante pointe
De la dague meurtrière être à mon gosier jointe.
Brief, fût que je dormisse ou prinse le repas,
Toujours frayeur de mort me suivait pas à pas

Détail d'une fresque de la Chapelle des GROS qui représenterait 
d'après Pierre de TRUCHIS, la tentative d'assassinat de Jacques de VINTIMILLE. 
Colorisé par moi-même
Merci à Jean Pierre ROZE pour cette photo issue de ces travaux - 2020

Il racontera également son départ de France dans cet extrait d’un sonnet à Jean TIXIER[12] :

S’il s’enquiert de mon fait, dis-lui la vérité
Que le crime d’ingrat à tort ne m’impropère
Que j’ai des étrangers mieux aimé le repaire
Quand le peuple Français était tant irrité.
Dis-lui tout hardiment que je quittais la France
De bon cœur, quand j’y vois toute cruelle outrance
Régner plus qu’en Sithie austère région
Quand j’y vois Mars sanglant au milieu des campagnes
Abandonner au vent ses sanglantes enseignes,
Pour empêcher le cours de la Religion                                      

A la fin de sa vie, il rédigera un bilan très négatif de cette période noire[13] : « j’ai vu et vois croître les scandales et abus et dominer le vice de façon que de la vertu, justice, foi et piété le monde ne tient plus aucun compte. La religion soit ancienne ou réformée ne sert plus à plusieurs que de masque à toutes trahisons. La bonté, pudeur et droiture ont abandonné la terre si bien que l’auteur de tout mal l’a usurpé pour y planter son règne et user de puissance absolue sur les consciences des hommes à quoi le monde se laisse aller lâchant la bride à la sensualité sans la gouverner par la raison dont il advient que toutes infidélités et abominations ont occupé le rang et siège dues à la vertu ».

Le 19 mars 1563, les représentants protestant et catholique, Louis de CONDE et Anne de MONTMORENCY (ami de Jacques de VINTIMILLE), signent l’Edit de Pacification d’Amboise qui confirme la liberté de croyance de l’Edit de Tolérance de janvier 1562 et permet une première période de paix (jusqu’en 1566). Dans les textes, le Roi autorise l’amnistie à toutes les personnes prisonnières et expulsées. Jacques de VINTIMILLE en profitera donc pour rentrer à Dijon[14].


[1] BNF – Moreau 802 (ex-Fevret de Fontette XXXVI 1-79) – « Recueil de pièces sur l’histoire de Bourgogne, rangées par ordre chronologique », Tome I (1364-1562)
[2] « Dictionnaire historique et biographique des généraux français », 1823 par Jean de Courcelles
[3] BNF – Français 4632 – « Recueil de pièces concernant l’histoire de France (1560-1576) – Lettre de Charles IX à Gaspard de Saulx-Tavannes du 28 avril 1562
[4] « Correspondance de la mairie de Dijon », Tome II, 1868 par Joseph Garnier
[5] « Correspondance de la mairie de Dijon », Tome II, 1868 par Joseph Garnier
[6] « Vie de Jacques de Vintimille », 1865, par Ludovic de Vauzelles
[7] « Correspondance de Théodore de Bèze », Tome VI (1565), 1970, par Hippolyte Aubert, Henri Meylan, Alain Dufour et Alexandre de Henseler
[8] « Correspondance de la mairie de Dijon », Tome II, 1868 par Joseph Garnier
[9] Lettre du 7 juillet 1562 de de Saulx-Tavannes à MM. du Parlement de Bourgogne. Coll. privée Delaplanche
[10] Lettre du 3 août 1562 de de Saulx-Tavannes à MM. du Parlement de Bourgogne. Coll. privée Delaplanche
[11] « Théagès ou de la Sapience », 1563, par Jacques de Vintimille et Pierre Trédéhan. p. 40
[12] « Théagès ou de la Sapience », 1563, par Jacques de Vintimille et Pierre Trédéhan. p. 52
[13] AD21 Côte 1J0 573 – Copie du 2ème testament de Jacques de Vintimille du 9 mai 1580
[14] « Vie de Jacques de Vintimille », 1865, par Ludovic de Vauzelles

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